Potlatch signifie « donner »
Traduction française de Potlatch signifie « donner »
Nombreux sont ceux qui pensent qu’une personne riche et puissante est quelqu’un qui possède beaucoup de choses. Les Kwakwaka’wakw, le peuple parlant kwak´wala, pensent qu’une personne riche et puissante est celle qui fait le plus de dons. Depuis des temps immémoriaux, les Kwakwaka’wakw organisent des potlatchs et ces cérémonies continuent de jouer un rôle central et unificateur dans la vie communautaire d’aujourd’hui.
Le mot « potlatch » signifie « donner » et provient d’un jargon de commerce, le chinook, utilisé autrefois le long de la côte Pacifique canadienne. Les invités assistant à l’événement reçoivent des dons. Plus l’hôte offrant le potlatch donne de présents, plus il acquiert un statut élevé. La cérémonie du potlatch jalonne les moments important de la vie des Kwakwaka’wakw : dation d’un nom aux enfants, mariage, transfert de droits et de privilèges et deuil.
C’est un grand moment de fierté – le moment de montrer les masques et les danses appartenant au chef ou à l’hôte offrant le potlatch. C’est un moment heureux. « Quand quelqu’un est heureux au fond de son cœur, il distribue des cadeaux. Notre créateur nous a légué cela, une façon bien à nous de procéder, que ce soit notre façon de nous réjouir, nous les [Kwakwaka’waw]. Tout le monde sur terre a reçu un don. Le potlatch nous a été légué comme une façon à nous d’exprimer notre joie. » — Axu Alfred, ancienne.
Raisons d’être du potlatch
- Reconnaissance publique de la structure de classe et d’un statut,
- Transmission de droits et de privilèges familiaux ou d’un héritage. Ces droits comprennent :
- Les droits fonciers sur des terres, des propriétés, des coins de pêche, des buissons de baies, des territoires de chasse et des fronts de mer,
- Les droits sur des histoires, des danses et des chants particuliers, ainsi que le droit d’afficher les emblèmes animaux d’une lignée familiale,
- Le droit de porter, d’utiliser et d’afficher certains insignes ou objets indiquant le statut de chef : chapeaux, couvertures, tabliers de danse, bancs sculptés, plaques de cuivre en forme de bouclier, masques, façades peintes, poteaux sculptés,
- Célébration des mariages, dation d’un nom aux nourrissons, transmission des titres de chefferie, des noms marquant la qualité de dirigeant et d’autres noms détenus par une famille,
- Commémorations en l’honneur des défunts importants,
- Réconfort des proches du défunt,
- Inauguration d’une maison cérémonielle et érection de mâts sculptés,
- Reconnaissance d’une lignée familiale et régénération des liens communautaires avec les ancêtres,
- Célébration d’un lien collectif avec les esprits animaux et action de grâce,
- Rétablissement de l’honneur de quelqu’un aux yeux de la communauté suite à une humiliation.
Jadis les potlatchs se déroulaient au cours des mois d’hiver et ils duraient pendant des semaines. Ils avaient lieu dans une maison cérémonielle dont la taille indiquait le statut de l’hôte dans le village. Les chefs aux maisons communautaires les plus grandes invitaient des centaines de personnes originaires de nombreuses Premières Nations. Les invités se rendaient au potlatch en canot; à leur arrivée ils criaient à l’hôte à terre leur nom et leur village. Au bord de l’eau s’érigeaient souvent de gigantesques figures de bienvenue en cèdre sculpté près desquelles les hôtes entonnaient leurs chants d’accueil. Parfois, il y avait tellement d’invités que la plage ne suffisait pas pour tous leurs canots.
Le potlatch contemporain
Aujourd’hui un potlatch comprend un festin, des chants, des danses et des discours – mais l’un des aspects les plus singuliers de la cérémonie, c’est la distribution de présents à tous les invités. Ceux-ci jouent un rôle important dans le potlatch. Ce sont des témoins « payés » par des dons pour reconnaître la transmission d’un héritage ou d’une prétention effectuée par la famille hôte au cours de la cérémonie. Une famille ayant le droit d’organiser des potlatchs peut par exemple en offrir un pour la dation d’un nom au fils aîné, le père pouvant aussi à cette occasion annoncer les possessions cérémonielles familiales qui lui seront transférées à l’avenir. Chaque famille transmet en son sein le droit de raconter certaines histoires, d’entonner certains chants, d’exécuter certaines danses et le droit de contrôler certains territoires.
Le potlatch est une riche tradition. Les organisateurs se parent de leurs habits d’apparat les plus raffinés : châles d’écorce de cèdre ou couvertures à boutons, chapeaux de cèdre, couvre-chefs d’écorce de cèdre tissée, tabliers de danse et bien d’autres. Ils portent parfois des hochets, des tambours, des plaques de Cuivre gravées, des pagaies de canot ou encore des bâtons de parole – tous finement sculptés et peints, ornés des blasons animaux de leur lignée familiale.
Aujourd’hui les potlatchs sont le plus souvent organisés en mémoire d’un ancien ou d’une personnalité importante de la communauté. Les hôtes passent parfois plusieurs années à rassembler, fabriquer et préparer les biens distribués au potlatch et ce qui est requis pour le festin. Les cadeaux de potlatch ont évolué dans le temps.
Les cadeaux de potlatch à travers les âges
Cadeaux dans les années 1800
- Fourrures et peaux animales
- Boîtes sculptées en bois plié
- Fragments de cuivre
- Couvertures d’écorce de cèdre tissée
- Canots
- Huile de poisson-chandelle
Cadeaux dans les années 1900
- Couvertures de la Compagnie de la Baie d’Hudson
- Commodes
- Bracelets en cuivre
- Sculptures
- Farine, sucre
- Huile de poisson-chandelle
Cadeaux dans les années 2000
- Serviettes et tissu
- Paniers à linge
- Bijoux en argent
- T-shirts imprimés de motifs héraldiques
- Farine, sucre, café
- Huile de poisson-chandelle
Conceptions de la richesse
Que signifie être riche? Pour la plupart des gens, cela signifie être riche d’argent; avoir beaucoup d’argent avec lequel on peut acquérir des propriétés et des biens précieux.
Pour les Kwakwaka’wakw, les plus riches ou opulents sont ceux qui non seulement accumulent le plus, mais qui ensuite distribuent tout cela lors un potlatch, comme preuve qu’ils en sont capables.
Cuivres
Pour les Kwakwaka’wakw, les Cuivres étaient sûrement le plus grand symbole de richesse et de pouvoir. Les Cuivres, ou T´łakwa (prononcé « TLAC-OUA ») étaient des plaques de cuivre martelées en forme de bouclier. Chaque Cuivre possède un nom, une histoire et une valeur propres. L’utilisation d’un nom d’animal fait référence au blason du propriétaire originel du Cuivre. D’autres, tels que « Tous-les-autres-Cuivres-sont-gênés-de-le-regarder » ont reçu leur nom des transactions financières dont ils ont fait l’objet. Les Cuivres mesuraient jusqu’à trois pieds de long (1 mètre) et ils étaient peints voire parfois gravés du blason de leur propriétaire.
Seuls les chefs peuvent posséder des Cuivres et certaines activités liées au potlatch exigent de détenir un Cuivre. Les Cuivres documentent les événements et les transactions les plus importants auxquels a pris part son propriétaire au cours de sa vie, ainsi parfois que ses héritiers.
Plus un Cuivre était utilisé, c’est-à-dire plus il était montré publiquement dans un potlatch, plus il prenait de la valeur. Celle-ci se mesurait en nombre de couvertures. Un Cuivre remarquable atteignit la valeur de neuf mille couvertures. La valeur des attirails de potlatch saisis en 1922 fut estimée par les autorités de l’époque à 1.456$, sans y inclure les Cuivres qui ne firent l’objet d’aucune compensation.
Autrefois, « briser » un Cuivre représentait un redoutable défi lancé par son propriétaire à un rival qui devait alors découper un autre Cuivre de valeur équivalente ou supérieure. Un rival qui ne pouvait répliquer s’exposait à l’humiliation aux yeux de la communauté. De nos jours, il est strictement interdit de briser un Cuivre à l’intérieur de la maison cérémonielle, cela étant considéré comme un acte hostile.
La valeur d’un chant
Les Cuivres sont considérés comme des objets de grande valeur dans la culture Kwakwaka’wakw. Mais il y a peut-être encore plus important qu’un Cuivre : un chant, le cadeau le plus précieux que l’on puisse recevoir. Les chants sont généralement transmis au fils aîné d’une famille. Aucune pile de couvertures, aussi haute soit-elle, ne peut égaler la valeur d’un chant. Recevoir un chant, c’est acquérir un grand trésor culturel qui confère à son propriétaire un statut élevé dans la communauté.