Les débuts de la prohibition du potlatch
À la fin du 19e siècle, le gouvernement canadien considérait que les traditions autochtones empêchaient les Premières Nations de devenir « civilisées. » Percevant la culture autochtone comme une menace, le gouvernement fit voter une loi pour interdire les cérémonies du potlatch. Un décret contre le potlatch fut signé en 1883; la prohibition prit force de loi au 1er janvier 1885. Elle déclare :
« TOUT INDIEN OU TOUTE AUTRE PERSONNE QUI ORGANISE OU PARTICIPE À LA CÉLÉBRATION DU FESTIVAL INDIEN APPELÉ « POTLATCH » OU À LA DANSE INDIENNE « TAMANANAWAS » SE REND COUPABLE D’UN DÉLIT PASSIBLE D’UNE PEINE D’EMPRISONNEMENT… »
L’impact de la prohibition du potlatch
Les cérémonies du potlatch furent interdites durant plus de 60 ans. Au cours de cette période, de nombreux autochtones furent arrêtés; pour certains, le motif d’inculpation fut d’avoir dansé. Les potlatchs continuèrent malgré tout, mais en secret. Barb Cranmer est une Kwakwaka’wakw de la nation ‘Namgis. La famille Cranmer perpétue les traditions du potlatch depuis des générations, ceci malgré la loi. Durant les fêtes de Noël 1921, Dan Cranmer, le grand-père de Barb, offrit le plus grand potlatch jamais rapporté sur la Côte Nord-Ouest de Colombie-Britannique. Ce potlatch est surtout connu parce que 45 participants furent arrêtés par après. Ils durent choisir entre céder leur attirail de potlatch – pour les empêcher d’organiser d’autres potlatchs – ou aller en prison. Vingt-deux d’entre eux préférèrent l’incarcération.
Le potlatch, et tout ce qui y est associé – chants, danses, masques, couvertures, discours – définissaient l’identité des Kwakwaka’wakw. « Ce fut une période sombre pour notre peuple, » déclare Barb. « Les gens éprouvaient une grande confusion. Ils se demandaient pourquoi cela leur arrivait alors qu’historiquement nous vivions ainsi depuis toujours. »
« La société dominante tenta de nous changer, nous et notre culture. Ils voyaient [le potlatch] comme quelque chose de mauvais, » dit Barb. « Ils ne comprenaient pas que le potlatch participait de l’interdépendance entre toute chose et que c’était une façon de montrer notre gratitude. »
Dan Cranmer considérait qu’il était de sa responsabilité de maintenir pleinement les traditions en dépit de la loi. « Je pense que c’était un visionnaire, » déclare Barb. « Il savait ce qu’il nous faudrait savoir soixante ans plus tard et il contribua à préserver nos chants et ce dont nous allions avoir besoin pour perpétuer le potlatch. »
La fin de la prohibition du potlatch
En 1951, la loi sur le potlatch fut retirée des codes canadiens. « Même si l’interdiction fut levée dans les années 1950, il fallut des années aux gens pour tourner la page. Cela prit du temps pour que les gens se sentent à l’aise de se lever pour dire ‘Voilà qui nous sommes’ et de se sentir fiers d’être ‘Namgis, » explique Barb. « Ce n’est que dans les années 1970 que [le potlatch] commença à redevenir une composante normale de notre vie, lorsque nous prîmes conscience que nous pouvions y prendre part sans répercussions ni peines de prison. »
Beaucoup de familles Kwakwaka’wakw ont réactivé leurs traditions. « Notre culture est une culture vivante, » insiste Barb. « Récemment, un de mes proches a organisé un potlatch en revenant aux règles ancestrales de notre peuple. Dans cette famille-là, ils n’avaient pas organisé de potlatch depuis plus de 80 ans. Il a travaillé dur, il a appris les chants et tout le reste. Eh bien, il y avait quelque chose, il y avait une atmosphère dans cette maison cérémonielle et c’était vraiment fort, c’était différent. » Par ce potlatch, il a fait valoir ses prérogatives de chef, il a restauré le statut traditionnel de sa famille dans la communauté et il a aidé à redynamiser une pratique culturelle importante. « Il a réactivé une chefferie de sa famille et les privilèges qui leur appartenaient, » explique Barb. « Nous récupérons ce qui avait été perdu, et c’est forts de nos familles que nous pouvons être un peuple optimiste. Notre lien au passé est intact. »